Contrairement à des idées reçues , l’organisation administrative actuelle de la Bretagne ne peut se résumer à la décision de Vichy de Juin 1941 et cela même si cette décision a eu évidemment un caractère décisif sur le découpage de la Bretagne en quatre départements avec l’exclusion de la Loire Atlantique.
Un peu d’histoire nous permettra de mieux comprendre les principales étapes de la régionalisation et de situer le jeux et l’influence des acteurs politiques et économiques dans le processus de découpage des régions.
La question du découpage régionale apparait dès 1915/1916 avec la nécessité de renforcer l’efficacité économique pour répondre aux impératifs de production et de ravitaillement.
Dans ce contexte une proposition de division de la France en 17 régions est effectuée par le député Hennessy et dans laquelle la Bretagne est réduite à 3 départements : Le Finistère, Les côtes du Nord, Le Morbihan tandis que l’Ille-et-Vilaine rejoint La loire-Inférieure,le Maine et Loire, la Mayenne, La Sarthe.
Finalement Le ministre du Commerce et de l’industrie Etienne Clémentel constitue par décret du 31 Octobre 1915 des comités consultatifs régionaux d’action économique basés sur les régions militaires.
Dans cette étape importante, la Bretagne est à nouveau éclatée entre la X° Région militaire où l’on trouve L’Ille-et-Vilaine,Les côtes du Nord et la Manche et la XI° régions militaire avec le Finistère, le Morbihan, la Loire-Inférieure et la Vendée.
Constatant l’inéquation fonctionnelle de ce découpage, Clémentel en Août 1917 en s’appuyant sur les Chambres de Commerce et d’Industrie établit un nouveau projet de découpage avec 16 régions et un rôle dévolu aux grandes agglomérations à vocation de capitales provinciales. C’est ainsi que la Bretagne est découpée en 2 régions économiques avec une première région qui regroupe l’Ille-et-Vilaine, les côtes du Nord, le Finistère, le Morbihan, et une seconde avec Nantes et la loire-inférieure, la Sarthe, la Mayenne, le Maine et Loire et l’Indre et Loire.
Finalement, c’est le 5 Avril 1919 que sont créées les régions économiques autour d’ une pièce maitresse constituée par le Comité des Chambres Régionales de Commerce et d’Industrie. Cette décision consacre l’influence du patronat nantais et nazairien qui considèrent leur intérêt de s’éloigner de la « pauvreté » de la Bretagne historique engluée dans une mauvaise image de marque et donc très éloignée de leur conception de rayonnement et de valorisation des dynamiques économiques des territoires.
Cette influence se concrétise par une modification du projet initial et la création d’une 6ème région économique restreinte ; l’Ille-et-Vilaine, les côtes du Nord, le Finistère, et une 5 ème région économique plus large axée sur Nantes avec le rattachement du Morbihan.
Les milieux patronaux nantais avec la création de (AICAO) l’ Association Industrielle et Commerciale de l’Ouest affirment sous l’impulsion de Abel Durant la vocation de Nantes à étendre son hinterland aussi loin que le permet la Loire.
Organisé et structuré, le pouvoir d’influence des milieux économiques nantais se concrétisera lors de la réforme de 1922 par le rattachement de la chambre de commerce de Quimper à la 5ème région économique de Nantes et coupant ainsi le Finistère en deux. Pour ceux qui s’en souviennent le Finistère Nord et le Finistère Sud entrèrent alors dans une sorte de compétition avec évidemment des effets négatifs sur un plan culturel et économique.
Cette nouvelle situation sépare plus largement la Bretagne entre le nord et le sud en développant l’attraction de Nantes au détriment de Rennes et permettant à la bourgeoisie industrielle et commerciale nantaise de renforcer sa position et l’intégration économique de la région dans l’espace national. Car il faut bien voir que le combat entre la Bretagne Intégrale et une grande région autour de Nantes n’est pas autre chose que le débat entre régionalistes et centralisateurs qui se joue.
Hélas, malgré l’organisation d’un congrès de « la Bretagne intégrale » en octobre 1920, rien n’y fera pour éviter l’écartèlement de la Bretagne en 1922 et comme aujourd’hui de voir les Bretons bafoués dans leur dignité et leur identité culturelle et géographique mais aussi dans leur incapacité à faire valoir que la Bretagne est un ensemble harmonieux dont les parties se complètent et que séparées ne peuvent que végéter et mourir.
Il faudra attendre 1938 qu’un remodelage des régions économiques puisse permettre de voir le rattachement des chambres de commerce de Quimper et Lorient à la 6ème région économique et retrouver ainsi la Bretagne à 4 départements mais toujours sans Nantes et la Loire Inférieure.
C’est donc en 1940 sur les positions acquises en 1938 que le régime de Vichy, dans la perspective d’un rétablissement des provinces au coeur d’un nouvel ordre politique, va entreprendre un nouveau découpage régional et donner ainsi l’occasion aux bretons de parvenir enfin à la réunification de la Bretagne.
Après avoir fortement espérer atteindre le Graal , plusieurs facteurs joueront contre la réunification et notamment la mobilisation des milieux patronaux autour de la chambre de Commerce de Nantes et l’adoption à l’unanimité du rapport de leur Président de l’irréductibilité des milieux patronaux à la reconstitution de la Bretagne.
Un décret gouvernemental du 30 juin 1941, publié le 1er Juillet, fixe le cadre de la préfecture régionale de Bretagne en la réduisant à quatre départements.
Cette situation sera pérennisée en 1955 lors de la création des régions programmes avec la séparation de la Loire-Atlantique conformément aux aspirations des milieux patronaux et élus nantais. Nantes devient en cette année de 1955 la capitale administrative d’une région Pays de Loire.
Par la suite en 1982 les lois Defferre instituent la région en collectivité régionale avec élection au suffrage universel des conseil régionaux. La Bretagne restera toujours amputée, négligée, méprisée par les pouvoirs publics mais aussi il faut le dire par une mobilisation de certains acteurs régionaux..
A chaque moment important de l’histoire, les rapports de forces ne nous ont pas été favorables. Néanmoins aujourd’hui en 2016 , ces rapports de force se modifient rapidement et le débat se pose plus que jamais avec force pour le rattachement de la Loire Atlantique à la Bretagne.
La mondialisation de l’économie, les changements majeurs des facteurs de compétitivité et l’image forte de la marque Bretagne entrainent, contrairement aux années passées, l’adhésion de plus en plus large des entreprises de Loire Atlantique pour une Bretagne reconstituée, ouverte sur le monde et capable de mieux relever les défis du futur qu’une Loire Atlantique collée à une Région artificielle des pays de la Loire.
Dans ces conditions les freins se réduisent au milieu politique toujours en retard sur les aspirations de la population désireuse de prendre en main son destin économique, culturelle et sociale.
Nous ne pouvons plus attendre les décisions des hommes politiques figés dans des vieux schémas centralisateurs inefficaces depuis des décennies et toujours en retard au rendez-vous de l’avenir.
Il nous faut agir, entreprendre car il ne s’agit rien de moins que du décollage économique de la Bretagne et des emplois. Il nous faut faire la Bretagne à 5 au niveau de l’économie, du tourisme avec les « Produits en Bretagne » et la réflexion et l’action de « Bretagne Prospective » autour des 20 dossiers qui préparent concrètement notre futur et offrent des perspectives à notre jeunesse.
20 dossiers pour avancer, 20 dossiers pour réussir là où les technocrates et les jacobins ont échoué. 20 dossiers pour réunir nos forces économiques, culturelles, sociales, maritimes, agricoles et construire La Bretagne qui nous ressemble et nous rassemble dans une France démocratique et enfin animatrice des puissances régionales.
La Bretagne à 5 sera le triomphe du régionalisme contre le centralisme d’état, de l’efficacité contre l’inertie, de l’imagination contre le conformisme, du changement de perspective contre l’immobilisme des structures et des mentalités.
La victoire de la vie et de la pensée du progrès contre la condescendance et le mépris et en même temps la naissance d’une nouvelle ferveur pour donner à notre jeunesse un territoire à son énergie et un sens à son action.
Abel SEVELLEC
Entre les