
Nous étions à New York le lundi 9 Juin 2014 pour la semaine.Nous avions prévu de profiter de ce séjour pour nous diriger le Jeudi 12 juin vers le Long Island Sound (détroit de long Island) pour visiter Bevin House, le Manoir qu’avaient loué Consuelo et Antoine de Saint Exupéry pour échapper à la chaleur d’un été torride de 1942 à Manhattan mais aussi fuir l’agitation de ce qu’il appelait les super patriotes de New York.
C’est dans cette grande maison construite par Cornelius Henry Delamater en 1867 dans un style français du Second Empire qu’Antoine de Saint Exupéry va écrire un de ses chef d’oeuvres »Le Petit Prince »
C’est de Penn-Sylvania-Station à New York que nous avions ma femme et moi pris le train en direction de Long Island sur la ligne de Port Jefferson après un changement à la station Jamaica.Le train s’arrêta en gare de Northport où nous prîmes un de ces fameux taxis Orange White pour nous rendre à notre destination finale au manoir de Bevin House.
Je suivais avec attention et une grande émotion la route prise par le chauffeur de taxi en me rappelant les indications données dans un article écrit,dans la revue Icare, par son professeur d’anglais Adèle Breaux en 1942 jusqu’à son départ en Avril 1943 pour Alger afin de reprendre le combat pour libérer la France.
Nous suivîmes une route bordée de grands érables, puis nous longeâmes un beau parc donnant sur des pentes boisées de l’autre côté du port. Au loin ,à droite, au pied d’une colline boisée, s’étendait une plage étroite « Asharoken »,qui sépare le port du bras de mer appelé »Long Island Sound ».Il faut traverser cette plage pour atteindre la presqu’île d’Etons Neck où se trouvent de magnifiques résidences éloignées les unes des autres dont celle d’Antoine de Saint Exupéry « Bevin House » ou Delamater-Bevin-Mansion
Un manoir blanc à travers les arbres voilà « Bevin House ». Mon coeur battait fort et vite, je vivais un rêve éveillé.Nous étions réellement à l’endroit où séjourna Saint Ex quand il écrivit le Petit Prince. J’avais pensé pouvoir venir là pendant 50 ans et cela depuis exactement l’âge de 15 ans.
Voici les premières vues d’approche. J’avais tenu à avancer en prenant tout le temps nécessaire pour m’imprégner progressivement de l’esprit des lieux et savourer ces moments de découverte qui me remplissaient d’un intense plaisir et pour tout dire d’ une sorte de plénitude toute proche de l »état de grace.Je venais de faire un voyage au bout de ma passion,de mes rêves à quelques encablures de découvrir le mystère et le secret du Petit Prince.Mais aussi d’apprécier la paix et la tranquilité de cette nature au bord de l’eau où Saint Exupéry trouva l’inspiration et connut ses derniers instants de bonheur.
La maison du Petit Prince
Petit à petit « Bevin House » sortait des bois et se présentait majestueuse dans son écrin au bord de l’eau.
Le devant de la « Maison Blanche »telle qu’elle se présente à notre arrivée. « Je voulais une cabane et c’est le palais de Versailles » s’écria Saint Exupéry.
Avec les escaliers qui conduisent à la porte d’entrée
Et l’arrière de la maison dont le parc donne sur l’estuaire
Le renard est venu à notre rencontre quand nous nous sommes approchés du détroit de Long Island.Je crois bien me souvenir qu’il m’a demandé si je tombais du ciel et si je voulais bien revenir chaque jour le voir pour mieux se connaître et s’apprivoiser car il se sentait un peu seul depuis le départ du Petit Prince. Je lui ai répondu que je devais reprendre l’avion pour retrouver ma planète. Alors il m’apparut soudainement très triste car cela lui rappelait un aviateur qui avait séjourné ici qui s’était un jour envolé pour ne plus revenir. Alors « au revoir dit le renard » et promets moi de m’écrire à Bevin House si tu retrouves le Petit Prince ou l’aviateur.Mais je crois bien que bizarrement c’est la même personne car je me souviens d’un homme qui n’avait jamais quitté son enfance. Pour le reconnaître c’est facile: il est grand, il rêve souvent et il ne sait pas dessiner.
Une autre vue de l’arrière de la maison qui donne sur le parc près du plan d’eau
La porte fenêtre à droite est celle du bureau de Saint Exupéry, là où se passaient les leçons d’anglais avec Adèle Breaux
C’est dans cette pièce que Adèle Breaux demanda à Saint Exupéry qui dessinait les personnages du conte du Petit Prince si elle ne pouvait pas garder la feuille sur laquelle il avait dessiné le Vieux Roi et qu’il voulait mettre au panier parcequ’il ne le trouvait pas assez réussi à son goût. Voici ce dessin gardé par Adèle Breaux qui plus tard en fera don au musée d’Air France.
Même endroit vue d’un autre angle sur le côté. La pièce est derrière le petit arbuste.
L’endroit où Saint Exupéry jouait souvent aux échec avec Denis de RougemontJ’ai voulu, à cet endroit si chargé d’histoire, me faire prendre en photo pour la postérité
Un havre de paix propice à la méditation et au recueillement.
Au bout du parc le détroit de Long Island Sound
le Parc est arrosé par la lumière du ciel qui épouse le vert d’une nature paisible qui vient se baigner dans un plan d’eau.Rien ne vient bousculer ni le bel ordonnancement des choses ni l’harmonie du coeur et des pensées. La nuit on entend même rire les étoiles.
Je pense que Saint Exupéry a écrit le petit prince puisque le monde est une comédie pour ceux qui pensent et une tragédie pour ceux qui sentent pour reprendre plus de 200 ans plus tard l’expression d’Horace Walpole compte d’Oxford écrivain du 18 ème siècle.
Pour les grandes personnes qui aiment les chiffres le Petit prince a été vendu à plus de 145 millions d’exemplaires dans 270 langues environ.
La 1ère édition est parue à New York le 6 avril 1943 en langue anglaise et française et en avril 1946 seulement en France. C’est donc cette année le 70 ème anniversaire de sa parution.
P.L Travers l’auteur de Mary Poppins exprima son admiration quelques jours après la parution de l’édition de New York dans un article du 11 avril 1943 où elle disait que nous n’avions pas à pleurer les frères Grimm quand des contes de fées comme le Petit Prince peuvent encore tomber des livres d’aviateurs et de tous ceux qui se dirigent vers les étoiles.
Lors d’une conférence sur Saint Exupéry que j’avais animée l’an dernier un auditeur m’avait demandé quelle phrase je retenais prioritairement du conte du Petit Prince? Ma réponse fût celle ci :
Devant le marchand de pilules par la vertu desquelles on n’aurait plus besoin de boire, ce qui constituerait une économie de temps de 53 minutes par semaine le Petit Prince se dit: »Si j’avais 53 minutes à dépenser je marcherais doucement vers une fontaine ».
J’aime cette pensée à cause de la marche sous les étoiles pour aller vers le puits, du travail pour tirer sur la corde et du chant de la poulie.Alors cette eau est bonne pour le corps mais surtout désaltère l’âme dans le désert humain que nous traversons chaque jour dans le monde.Et puis à force d’écouter le chant de la poulie on apprend à voir avec le coeur l’essentiel de ce qu’est la vie.
Abel SEVELLEC