Plus rien ne résiste à la violence, tout est mépris du respect de l’homme et de ses plus nobles aspirations. La démocratie est abimée par le corporatisme et l’intolérance. Le gouvernement se laisse aller à une technocratie froide et ne réunit pas les conditions humaines de réussite du changement dans un dialogue constructif, et réactif. Dans une société où tous les citoyens ne vivent pas du fruit de leur travail, il est évident que ceux -là mêmes ne vivront pas de leur retraite. Cette réforme qui vise à juste titre l’alignement des régimes de retraite devrait s’appuyer pour réussir sur un projet de société plus vaste dans une vision claire de ce que nous devons construire pour faire face à la pauvreté, à la pénibilité et à la l’injustice des citoyens sur un plan fiscal, social et géographique.
Il fallait d’abord comme pré-requis aligner les droits et les devoirs et permettre d’abord de faire fonctionner ce qui ne fonctionne pas: l’éducation, l’enseignement, les hôpitaux, la police afin que chacun se sente considéré dans ce qu’il est et dans ce qu’il fait où qu’il soit à Paris ou en province comme dans les coins les plus oubliés par la centralisation et le jacobinisme. Si les Français n’adhèrent pas aux mesures de cette réforme c’est que depuis des décennies ils se sentent maltraités par le pouvoir et ressentent un mal être dans un mal de vivre ensemble parce que leurs préoccupations sont négligées par une politique de sparadrap au coup par coup dont l’absence de pertinence, de cohérence, et de convergence vers des solutions durables nous prive d’une vision claire et sans confusion de ce que nous voulons être et devenir dans une mondialisation de plus en plus oppressante et imprévisible. Où voulons-nous aller? Et que voulons-nous devenir? Et quel projet de société répondra à ces aspirations justes et équilibrées.
Il est inconcevable de la part du Gouvernement d’attendre le 7 janvier pour réunir les syndicats dans une France en feu, quand les citoyens sont empêchés de circuler pour faire leur travail, quand des entrepreneurs et des magasins sont au bord de la faillite quand des familles sont épuisées par une grande lassitude physique, matérielle et morale. Les plus durement touchés sont les plus fragiles de notre société qui doivent supporter un coût moral et financier pour continuer à vivre, à se déplacer, à travailler, à garder leurs enfants. Ainsi ces familles sont placées dans des situations douloureuses d’otages et de surcroît d’otages maltraités.
Il est inconcevable qu’une minorité de français puisse paralyser aussi durablement le pays dans un mépris total du respect de la liberté de travail, de circulation et du respect des traditions des fêtes de famille de fin d’année. Cette violence est inacceptable quelque soit la légitimé des droits de grève car cette capacité de nuisance d’une minorité remet en cause les valeurs acquises de dignité de la personne humaine et les principes de notre démocratie. C’est le triomphe du chacun pour soi et du rejet des droits et devoirs élémentaires de chacun à vivre dans une civilisation de liberté, d’égalité et de fraternité. C’est l’espèce humaine qui est ici mal traitée, humiliée, blessée parce que les notions de responsabilité et d’engagement ne guident plus les comportements. C’est une dictature populaire des extrêmes qui pousse les grévistes à bousculer et à harceler les non-grévistes.
Il est inconcevable que notre pays se trouve dans l’incapacité de dialoguer et de négocier en raison d’un manque de vision et de clarté de nos Dirigeants sur les finalités et les conséquences réelles des réformes mais aussi en raison de l’intransigeance systématique de certains syndicats qui ne cherchent qu’à faire de la politique sous couvert de la défense des travailleurs.
Il y a trop longtemps que cela dure pour ne pas espérer qu’enfin la démocratie retrouve sa respiration par une véritable volonté de construire -dans une relation de confiance- une société riche de sa vitalité et de sa diversité en prenant en compte les véritables enjeux économiques et sociaux afin d’éviter de faire fausse route dans des approches partielles et des polémiques qui desservent notre avenir et notre jeunesse. Personne n’aura raison tout seul et il nous faut donc tous y mettre de la compréhension et du respect dans un esprit d’ouverture et de responsabilité car la rigidité et la dureté conduisent inévitablement à l’exclusion, à l’asphyxie et à l’appauvrissement de notre civilisation parce que tout simplement la démocratie et l’homme sont continuellement humiliés.
Abel SEVELLEC