
En ces moments où nous devons trouver en nous-mêmes la force de donner à notre vie un sens, Saint Exupéry par son œuvre nous aide à réarmer l’Homme et à animer son intériorité pour l’arracher aux mensonges des faux prestiges et à l’inconsistance des mirages de l’extérieur.
Il nous invite à combattre pour nous dépouiller du périssable et nous rapprocher de notre noyau d’éternité afin de surgir à l’essentiel pour nous changer et transformer notre relation au monde. Il ne s’agit pas d’espoir mais de foi dans un combat victorieux contre les forces d’inertie et notre propre atonie.
Notre vérité est en nous, profondément en nous et il nous faut faire l’effort d’aller la chercher pour la remonter à la surface et l’exprimer. Pour cela l’écriture de Saint Exupéry est à méditer avec la volonté de l’introduire dans notre manière de penser.
L’homme est malheureux car ses projets sont souvent plus grand que sa vie puisqu’il n’ose croire à sa grandeur et à sa capacité de sortir de la torpeur ronronnante du quotidien. Que savons nous de la force de l’esprit? et de la ferveur du cœur? Il nous manque cruellement des espaces pour transformer notre expérience en conscience et nous ouvrir à des réalités plus vastes afin de réveiller cet inconnu qui dort en nous pour que nous entendions l’appel de cette grandeur.
Saint Exupéry nous invite à parier sur cette grandeur et à agir pour nous accomplir dans la création d’un lien permanent entre notre richesse intérieure et nos actes. C’est là le combat de Saint Exupéry qui nous demande dans cette démarche exigeante de nous dépasser et de nous ouvrir par ses pensées et son écriture poétique à chercher l’essentiel en dehors de la banalité du vent des paroles de la vie commune. C’est en ce sens que son écriture est une littérature de combat pour sauver l’individu des menaces de la perdition. » Faire un pas, encore un pas, c’est toujours le même pas que l’on recommence « .
Suivons donc les traces de Saint Exupéry dans sa quête de l’absolu:
La recherche de la lumière
Je me suis battu pour préserver la qualité d’une lumière, bien plus encore que pour sauver la nourriture du corps. Je crois qu’on allume un pays d’un seul coup. Je veux dire que l’état d’esprit d’une nation et les croyances prennent racine dans un processus de vie. Nous nous battons pour le respect des hommes, pour gagner une guerre qui se situe exactement à la frontière de l’empire intérieur.
La conquête de l’empire intérieur
C’est bien la puissance de l’empire spirituel qui prévaut contre l’égoïsme matériel. C’est difficile à définir mais non à sentir. La civilisation, c’est la naissance de l’empire intérieur dans lequel nous aimons ceux qui nous éclairent et défendons ce qui nous illumine.
L’action et la méditation
Nous nous sommes jetés dans l’incendie. Nous avons tout sacrifié. Nous avons plus appris, sur nous-mêmes, que nous eussions appris en dix années de méditation. Je me demandais durant l’habillage : comment se présentent-ils, les derniers instants ? La vie toujours a démenti les fantômes.
Dutertre est amer. Je ne suis pas amer. Je suis heureux. J’aimerais parler aux hommes de chez moi.
Mourir pour une Cathédrale, non pour des pierres
J’admire les intelligences limpides. Mais qu’est-ce qu’un homme, s’il manque de substance? S’il n’est qu‘un regard et non un être?
Nous nous sommes trompés trop longtemps sur le rôle de l’intelligence. Nous avons cru que la virtuosité des âmes basses pouvait aider au triomphe des causes nobles, que l’égoïsme habile pouvait exalter l’esprit de sacrifice, que la sécheresse de cœur pouvait, par le vent des discours, fonder la fraternité et l’amour. Nous avons négligé l’être.
On ne meurt pas pour des idées, on meurt pour la substance, on meurt pour l’être. On meurt pour une cathédrale. Non pour des pierres. On meurt par amour de l’homme si il est clef de voûte d’une communauté. On meurt pour cela seul dont on peut vivre.
Délivrer et restaurer l’Homme
Il est aisé de façonner un homme aveugle qui subisse, sans protester, un maître ou un coran. Mais la réussite est autrement haute qui consiste, pour délivrer l’homme, à le faire régner sur soi-même. Délivrer c’est convertir et pour convertir l’homme en soi, il convient, non de l’amputer, mais de l’exprimer à lui-même, d’offrir un but à ses aspirations et un territoire à ses énergies
Ma civilisation a cherché à fonder les relations humaines sur le culte de l’homme, afin que le comportement de chacun vis-à-vis de soi-même ou d’autrui ne soit plus conformisme aveugle aux usages de la termitière, mais libre exercice de l’amour.
Il faut restaurer l’homme. C’est lui l’essence de ma culture. C’est lui la clef de ma communauté. C’est lui le principe de ma victoire.
Emanciper l’Homme de la multitude
Car ne pèse point l’individu avec sa pauvre écorce et son bazar d’idées, mais avant tout compte l’âme plus ou moins vaste avec ses climats. Je méprise ceux-là qui s’abrutissent d’eux-mêmes pour oublier. C’est pourquoi il te faut mépriser les jugements de la multitude. Car eux te ramènent à toi-même et t’empêchent de grandir.
Le nœud divin qui noue les choses
Si je veux juger le chemin, le cérémonial ou le poème, je regarde l’homme qui en vient. Ou bien j’écoute battre son cœur. Car je ne connais qu’une liberté qui est exercice de l’âme. Je te parlerai un jour de la nécessité ou de l’absolu qui est nœud divin qui noue les choses.
Naître à soi-même
Je veux partir en guerre pour sauver l’Homme lui-même, le respect de l’homme, la liberté de l’homme, la grandeur de l’homme. Ce n’est pas au nom de la logique que je me détermine, c’est au nom de l’homme qui est né en moi.
Ouvrir les ailes de l’esprit
Tu ne dois point rencontrer l’homme dans sa surface mais au septième étage de son âme et de son cœur et de son esprit. Voilà, disais-je la vérité de l’homme. Il n’existe que par son âme.
La méditation me paraissait plus importante que la nourriture et la conquête pour me sentir le cœur plus vaste dans le repos de mon silence. Car l’espace de l’esprit où il peut ouvrir ses ailes est le silence.
Combattre pour l’homme
J’ai prétendu avant le départ recevoir avant de donner. Ma prétention était vaine. Il faut donner avant de recevoir – et bâtir avant d’habiter. L’homme doit toujours faire les premiers pas. Il doit naître avant d’exister.
Je combattrai pour l’homme. Contre ses ennemis. Mais aussi contre moi-même.
Abel SEVELLEC