
Valéry pensait que la littérature et la philosophie devaient nous aider à trouver en nous les ressources de repousser ce qui nous empêche d’être nous-mêmes sans repousser en même temps ce qui nous contraint à l’être.
Pascal pensait que la force de l’homme est de savoir qu’il est faible alors que Saint-Exupéry affirmait que la force de l’homme est de pouvoir surmonter cette faiblesse.
Pour Saint-Exupéry l’homme est vulnérable mais l’homme est celui qui porte en soi plus grand que lui et se doit de travailler à développer cette part qui le rend supérieur à ce qu’il est. C’est cela qui lui donne un sens à sa vie.
Trouvez, cherchez et écoutez dans le silence de votre conscience cette pensée du désert qui vous conduit à Citadelle : ‘’Enfant sans jeu qui ne sais plus lire à travers. Je m’assieds près de toi et t’enseigne. Tu baignes dans le temps perdu et t’assiège l’angoisse de ne point devenir’’.
La seule vérité est-elle dans la paix des livres ? T’a-t-elle enseigné la ferveur pour effacer l’angoisse ? Qu’as-tu appris Antoine à parcourir le monde ? Quel homme pensais-tu être devenu au retour de tes premiers voyages ?
Nous avions traversé des terres sans limites, nous avions aimé quelques femmes, joué parfois à pile ou face avec la mort pour simplement dépouiller cette crainte qui avait dominé notre enfance… pour assister invulnérable à la lecture des notes du samedi soir. (Courrier Sud)
Nous revenions solide de la tempête de la vie à la rencontre des professeurs pour leur raconter le vrai temps qu’il fait sur la terre… le grondement des moteurs et l’ivresse de l’action …. Mais de peur de les attrister, nous leur dîmes ‘’Combien la seule vérité était peut être la paix des livres’’. Mais les professeurs le savaient déjà. (Courrier Sud)
Et pourtant, le maître de philosophie ne voyait pas d’ennemi plus cruel dans la vie, pour des enfants qui sortent du collège que Nietzsche. Il nous avouait des tendresses coupables. Nietzsche le troublait. (Courrier Sud).
Et ce trouble l’éloignait, sans se l’avouer, de la paix des livres
Alors Antoine, dis nous : Quelle paix ? Quelle vérité ?
Quelle paix ?
Je ne créerai point la paix de la termitière par un choix vide et des bourreaux et des prisons malgré qu’ensuite viendra la paix, car, créé par la termitière, l’homme le serait pour la termitière. (Citadelle)
Tu cherches un sens à la vie quand le sens est d’abord de devenir soi-même, et non de gagner la paix misérable que verse l’oubli des litiges. (Citadelle)
Et toi Vieux bureaucrate mon camarade ? Tu as construit ta paix à force d’aveugler de ciment, comme le font les termites toutes les échappées vers la lumière. (Terre des hommes)
Et toi Geneviève? Tu étais fée je me souviens. Tu régnais sur les livres, les fleurs, les amis ? Chacun était lié à toi par un secret et sans bruit tu faisais la paix dans ton royaume. (Courrier Sud). Tu lisais si bien dans le cœur des hommes comme dans un livre.
Mais la Paix est longue à bâtir, il faut plus de lumière que j’en ai. J’ai voulu m’asseoir et goûter la paix. Et voici qu’il n’est point de paix. Et voici que je reconnais qu’ils se sont trompés ceux qui me voulaient installé sur mes victoires passées. Fou celui-là qui enfermait l’eau dans son urne parce qu’il aimait le chant des fontaines (Citadelle)
Mais il n’y a pas de paix. Il n’y a peut être pas de victoire. Il n’y a pas d’arrivée définitive de tous les courriers. (Vol de nuit)
Si la paix est dans les livres ‘’Alors faites simplement que j’apprenne à lire. Alors Seigneur, c’en sera fini de ma solitude. Et tu disais Antoine ‘’Suffit que je t‘enseignes le langage qui te permette de lire en ce qui est autour de toi et en toi tel visage neuf et brûlant pour le cœur…Je te donne les clefs de l’étendue. (Citadelle)
Tu liras dans le présent l’être que tu deviens. Tu l’énonceras. Il donnera leurs sens aux hommes et aux actes des hommes. Je ne te demande point de croire mais de lire. Qu’est ce que la pierre sans le temple ? Qu’est ce que l’oasis sans le désert ? (Citadelle)
Nous avons goûté, aux heures de miracle, une certaine qualité des relations humaines : là est pour nous la vérité. Ce qui nous réjouissait était plus impalpable que la qualité de la lumière …. Nous étions pleinement en paix, bien insérés à l’abri du désordre dans une civilisation définitive. (Lettre à un Otage)
Quelle vérité ?
‘’ Je découvre que l’erreur n’est point le contraire de la vérité mais un autre arrangement. (Citadelle)
‘’Ne peux tu pas m’enseigner une vérité qui domine leurs vérités particulières et les accueille toutes en son sein ? Et tu me réponds Antoine : le véritable enseignement n’est point de te parler mais de te conduire. (Citadelle)
Alors me vint le litige que je ne pouvais amener mon peuple à la lumière des vérités qu’a travers des actes, non par des mots. Car la vie il importe de la construire comme un temple afin qu’elle montre un visage. Citadelle je te bâtirai dans le cœur des hommes. (Citadelle)
La terre nous apprend plus long sur nous que tous les livres car elle nous résiste …. Un paysan dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature et la vérité qu’il dégage est universel. (Terre des hommes)
Car il est en toi comme la graine merveilleuse qui élève la terre au rang de cantique et l’offre au soleil. Je ne connais que la terre que je retourne. (Citadelle)
Connaître une vérité, peut être n’est-ce que la voir en silence. Et ton silence est du grain de blé dans la terre où il pourrit afin de devenir. (Citadelle)
Et si tu me demandes comment reconnaître à l’avance laquelle des vérités se fera vivante et germera, je répondrai que celle-là seule qui sera clef de voûte, langage simple et simplification de tes problèmes. (Citadelle)
Ayant découvert qu’il n’est rien qui soit faux pour la simple raison qu’il n’est rien qui soit vrai… Et tes contradictions sont celles de la mue, et tes déchirements et tes misères….et je ne connais qu’une vérité qui est la vie et je ne reconnais qu’un seul ordre qui est l’unité ….. Et je ne sers point la vérité en exécutant qui se trompe car la vérité se construit d’erreur en erreur. (Citadelle)
Et n’oublie pas que ta phrase est un acte. (Citadelle) Pour toi Antoine voler ou écrire, c’est tout un. L’important c’est d’agir et de faire le point en soi-même. L’aviateur et l’écrivain dans une égale prise de conscience. Ecrire un livre prolonge l’aventure du vol c’est une expérience totale.
La paix des livres est dans la vérité de ta vie
Silence des pensées qui préparent leurs ailes car il est mauvais que tu t‘agites dans ton esprit ou dans ton cœur. Silence du cœur, silence des sens silence des mots intérieurs, car il est bon que tu retrouves Dieu qui est silence dans l’éternel. (Citadelle)
Silence des pages du livre dans la paix recherchée car tu as besoin de méditer avant d’agir et de lentement prendre racine dans la vérité de ta vie. Car tu le disais Antoine dans Terre des Hommes : la vérité pour l’homme c’est ce qui fait de lui un homme
La paix n’est pas une absence de bruit mais un silence qui émerge dans la conscience de l’homme qui l’invite à naître puis à connaître. Vivre puis écrire, agir puis témoigner, voir puis exprimer et enfin confier à la poésie les mots de l’amour car l’amour seul disais-tu dans Pilote de Guerre reconnaît le visage à pétrir et c’est celui de la paix. L’intelligence ne vaut qu’au service de l’amour.
N’écrivais-tu pas encore Antoine dans une lettre à l’inconnue que les contes de fées c’est la seule vérité de la vie. Et comme une profession de foi tu inscrivais dans tes carnets : je crois tellement à la vérité de la poésie.
Ta poésie est faite de silence, de tendresse et de lumière. Dans Vol de Nuit on voit trois étoiles dans un trou, on monte vers elle, ensuite on ne peut plus descendre, on reste là à mordre les étoiles. Mais toi Antoine, ta faim de lumière était telle que tu montas et c’était le 31 juillet 1944. Depuis tu es resté mordre les étoiles pour vivre ce que tu avais écrit et faire le lien entre le ciel et la terre, ton œuvre et ta vie.
Déjà en1924 dans une lettre à ta mère tu écrivais qu’il ne fallait pas se tromper de mots ni de sentiments. L’Homme tu le veux humain et non livresque. Et c’est pourquoi nous trouvons dans ta poésie, cette vérité qui est la paix des livres parce qu’en même temps qu’elle nous emporte, elle nous enracine et nous permet ce miracle de toucher le ciel en caressant la terre.
Abel SEVELLEC