
Nous sommes poussés dans nos retranchements, dans nos ultimes retranchements. Il en ressortira le meilleur mais aussi le pire. Nous en verrons de toutes les couleurs : des comportements exemplaires de courage et de solidarité à l’inverse des attitudes de lâcheté, d’individualisme, de repli sur soi motivées par des intérêts matériels sordides et par la peur du danger, la peur de manquer.
Dans les situations extrêmes, tout est multiplié à l’infini pour faire ressortir le fond du fond de chaque être dans l’expression de ses qualités et de ses incapacités, avec sa richesse et sa pauvreté morale et spirituelle. Le sublime qui inspire l’émerveillement et le cynisme qui suscite le dégoût et la désespérance. L’ombre et la lumière à la fois réunies pour créer les contrastes les plus violents de la nature humaine.
Si nous sommes en guerre contre un virus mortel, nous le sommes aussi contre les trahisons de l’esprit car cette bataille se gagnera uniquement par l’engagement de tous pour protéger ceux qui, dans les hôpitaux, sont au front pour nous soigner avec une compétence et une générosité exceptionnelles.
Depuis longtemps déjà, nous aurions dû donner une place prioritaire dans notre société à ceux qui sont confrontés à la maladie pour la soigner avec dévouement et soulager la souffrance et la misère.
Il nous faut bien comprendre que nous protéger, c’est protéger le personnel médical et donner plus de chance à ceux qui sont gravement touchés par le coronavirus. Les négligences et les incivilités, déjà insupportables dans notre vie en société, deviennent dans les circonstances graves que nous vivons de véritables agressions mortelles. N’ayons pas peur des mots, aujourd’hui l’inconséquence, la négligence, l’insouciance, l’égoïsme, le manque d’attention aux autres et l’irrespect de l’intérêt général fabriquent en substance des assassins.
Pour demain, ces expériences douloureuses devront bousculer les données de notre conscience individuelle et collective pour bouleverser nos priorités dans nos manières de penser et de nous comporter pour transformer notre société, la rendre plus humaine, et plus solidaire. Faisons de nos difficultés actuelles une chance de changer nos paradigmes et de créer des élans, des enthousiasmes pour nous ouvrir à l’avenir à de nouvelles opportunités. Donnons du sens à l’économie en la recentrant sur des objectifs aux services de l’homme et de son épanouissement pour libérer son énergie et sa créativité et le sortir de l’esclavage de la rentabilité à court terme. Ouvrons les portes à une approche généreuse vers une civilisation de la connaissance et du partage où nous pourrons construire des actions solidaires dans lesquelles chacun devienne plus riche de ce qu’il apporte et donne à la société. C’est le moment de parier avec Saint Exupéry sur la grandeur qui sommeille en chacun de nous car il croit qu’il est des circonstances où l’individu entend l’appel de cette grandeur. Nous devons entendre que chacun devient plus fort dans un ensemble où nous pouvons tous aller plus loin, plus haut et plus durablement dans le respect de soi, des autres et de l’univers. C’est sans doute cela la véritable écologie si nous sommes d’accord pour dire que sa finalité est de trouver les meilleures solutions pour l’homme et la planète dans un art de vivre qui crée de l’harmonie et de la concorde. Seuls nous ne pouvons y arriver. Nous ne pouvons le trouver le meilleur de chacun qu’avec les autres puisque nos talents, au lieu de s’additionner, se multiplient.
A la lecture de ces mots certains rirons sans doute de mon utopie. Mais plus tôt que d’y prêter attention, je préférerai, à ce moment là, me souvenir de ce que mon petit fils Louis me disais : « sans utopie la vie n’a pas de sens ». Tu imagines un monde où le soleil comme l’amour ne se coucheraient jamais ? Nous vivrons toujours dans la lumière au creux de nos rêves, enfin réalisés, pour en faire naître de nouveaux toujours plus beaux, dans un mouvement infini qui nous emporterait vers cette beauté qui sauverait le monde.
Abel SEVELLEC